Association pour l'Eglise de saint Clair

L'église de St-clair-sur-Epte et le culte à saint Clair, notre dossier

Les reliques de saint Clair, martyrisé en 884 à St-clair-sur-Epte

Reliquaire de saint Cyrin, compagnon de saint Clair, martyrisé à ses côtés.

L'architecture

On trouve sur Wikipedia un article extrêmement complet sur l'histoire de l'église, son architecture, son mobilier. A lire ici. Et merci à son auteur inconnu!

Les statues et le culte à saint Clair

Les miracles de saint Clair (L'Echo des Vallées, n° 114, juillet-septembre 2016)

 

Le culte de saint Clair

Il peut sembler étrange de prier saint Clair, cet ermite qui fuyait une dame d’Angleterre, en venant en Normandie, et fut décapité à Saint-Clair-sur-Epte, sur ordre d’une autre dame qui en voulait aussi à sa vertu. « C’était le 4 novembre 884. Clair était âgé de trente-neuf ans. Alors, d’après la légende, s’accomplit un prodige qui mit en fuite ses meurtriers : saint Clair, prenant sa tête entre ses mains alla la plonger dans l’eau de la fontaine, puis il se rendit à son oratoire. De là, il gagna l’église paroissiale et se couchant à gauche de l’autel, il marqua ainsi le lieu de sa sépulture. » Voilà ce que nous répètent tous les auteurs qui se sont intéressés à sa légende. La châsse de saint Clair, et celle de son ami et disciple saint Cyrin sont toujours dans l’église, et le crâne de saint Clair, mal fixé, bouge encore quand on l’emmène en procession, le 16 juillet.

Les Saintclairois vont à la messe, ce soir-là, prennent des torches à la sortie, passent devant leur ermitage gracieux, allument un haut bûcher dans le pré, et font un immense feu de joie, avant le feu d’artifice, et la fête foraine. Si la couronne qui est tout en haut s’enflamme, c’est de bon augure : car elle représente le couronnement de saint Clair au Paradis, enflammé de charité. Et chacun se recharge en espérance. Cela dure depuis plus d’un millénaire, et le miracle principal est précisément là : que la procession se fasse toujours, en dépit de la mécréance grandissante, et malgré la date incongrue, deux jours après la fête nationale.

L’historicité de saint Clair est bien plus solide que celle d’autres martyrs. On connaît sa généalogie et ses deux parents, nobles seigneurs de Rochester. On peut suivre ses douze ans de voyages à travers toute la Normandie, mais aussi jusqu’à Paris. C’est à peine quatre ans après sa mort que ses os sont exhumés et placés dans une châsse. Et trente ans plus tard, la bourgade a bel et bien changé de nom, puisqu’en 911, elle ne s’appelle plus Petromantalum (« le carrefour des routes Pontoise-Rouen et Beauvais-Evreux », ou bien « la pierre en hauteur », selon que l’on choisisse une étymologie celte ou romaine), mais comme aujourd’hui, Saint-Clair-sur-Epte. Ce nom est célèbre depuis 911, lorsque fut signé le Traité mettant fin aux invasions normandes. Les Normands-Vikings avaient incendié la ville en 885, comme l’avaient fait les Huns vers 450.

L’histoire religieuse de Saint-Clair-sur-Epte

 

L’étymologie du nom Vexin semble résulter de la contraction-superposition de « Véliocasses », en celte, désignant les Belges et signifiant les intrus, et de Vulcanius, lieu de culte à Vulcain, centré précisément à Saint-Clair-sur-Epte. L’église dédiée à la sainte Vierge, a probablement été bâtie à l’emplacement même du temple romain à Vulcain, parce que c’est la topographie qui désigne, l’emplacement des sanctuaires, en des points exceptionnellement chargés d’énergie. Mais le site de l’ermitage, à côté de la fontaine dite miraculeuse depuis le séjour et la décapitation de saint Clair, est l’autre emplacement possible, car certainement sacré aussi depuis la nuit des temps.

En tout cas, l’église fut édifiée grâce au réemploi des pierres des monuments romains, ce qui est prouvé par deux colonnes toujours reconnaissables, à droite de l’autel. L’église originelle fut bâtie aussitôt les Huns chassés, dès la conversion de Clovis. Puis, dans les années  638, sous Dagobert Ier, la région est donnée à l’Abbaye de Saint-Denis. Le prieuré est alors fondé, et deviendra un grand centre d’activités en tout genre, tandis qu’à Montreuil-sur-Epte, tout près, l’église est bâtie sous le patronage de saint Denis. En 841, le fonctionnement du prieuré est attesté. Le pont marchand sur l’Epte fut construit au XIesiècle par les moines du Prieuré. Celui-ci fut reconstruit au XVIesiècle.

En 1793, les ossements de saint Clair furent dispersés, mais les habitants surent les retrouver et les préserver. La châsse en or et en argent, de 1411, qui était suspendue sous la voûte de l’église, avec tous les documents ecclésiastiques de 1586,  attestant l’authenticité du squelette, tout cela a disparu. L’église est devenue Temple de la raison, puis atelier de traitement du salpêtre, puis mairie. Après quoi, elle a retrouvé sa fonction sacrée. En 1883, la presque totalité du squelette de saint Clair est retrouvée, et placée dans la châsse actuelle. Les deux statues qui entourent la pierre où saint Clair fut décapitée ont été faites sur ordre du duc de Broglie, seigneur de Saint-Clair-sur-Epte, en 1720. Ceux qui voudraient se moquer du saint sont bien souvent châtiés, tel ce menuisier des environs de Magny qui perdit brusquement la vue, alors qu’il allait souiller la fontaine.

 Le mystère de saint Clair

Les historiens le savent bien : la légende semble se répandre à rebours des biographies précises, pour autant qu’on puisse les établir, et ce qui se transmet des lambeaux de souvenirs conservés par la tradition orale, c’est toujours  l’épisode le plus ahurissant, le plus impossible à ramener à des dimensions plausibles. C’est pourquoi on reconnaît saint Clair, comme saint Denis, comme saint Nicaise, saint Donatien, saint Rogatien et d’autres encore, par leurs statues" céphalophores", c'est-à-dire qui portent leur tête dans leurs mains

Saint Clair est un patron des aveugles, comme sainte Claire; on peut se demander ce qu’il voyait si clairement. En tout cas, ce que nous voyons, nous, c’est sa fête qui revient  comme un champignon qui pousse et qui repousse régulièrement, à un endroit précis, à une saison précise ; on a beau le couper, le déclarer inexplicable et aberrant, il revient, comme s’il avait quelque chose d’unique et de précis à nous dire.

Autrefois, la logique poétique était  mise en œuvre par tout le monde, le rationalisme n’y faisait pas barrage. Nul besoin de donner foi à la légende sur le plan des lois de la physiologie pour retrouver son véritable sens. En fait, la tête mutilée de saint Clair est une image qui fait, plus que le portrait d’un lointain aïeul tutélaire, notre portrait à nous, nous qui nous succédons, de siècle en siècle, avec des constantes dans le malheur : car une tête tranchée, à n’importe quelle époque, c’est une frappante image d’aliénation, d’oubli, de souffrance, de saignement déplorable.

Les miracles de saint Clair II (L'Echo des Vallées, n° 115, octobre-décembre 2016)

 

Autrefois, la logique poétique du réalisme magique était  mise en œuvre par tout le monde, le rationalisme n’y faisait pas barrage. Nul besoin de donner foi à la légende sur le plan des lois de la physiologie pour retrouver son véritable sens. En fait, la tête mutilée de saint Clair est une image qui fait, plus que le portrait d’un lointain aïeul tutélaire, notre portrait à nous, nous qui nous succédons, de siècle en siècle, avec des constantes dans le malheur : car une tête tranchée, à n’importe quelle époque, c'est une image de souffrance déplorable. 

Par ailleurs, avant le XII° siècle, les femmes et le féminisme allaient avoir une grande emprise sur la société. C’était l’homme qui apportait le douaire (l’usufruit de ses biens) à la femme qu’il voulait épouser, et non pas, comme plus tard, la famille de la femme qui offrait une dot pour lui trouver un mari. Il y avait des femmes patrons de châteaux forts, des femmes écrivains, philosophes, qui se faisaient respecter. Mais les hommes voyaient souvent en elles surtout de dangereux agents du démon, des  « catins » qui les entraînaient à négliger leurs devoirs, des sorcières qui voulaient les entraîner au fond des eaux troubles. C’est probablement le contexte qui horrifiait le jeune Clair en Angleterre, lorsqu’il était déjà réputé admirable et qu’il voulait échapper au harcèlement d’une dame. Les hommes conservateurs voyaient dans la liberté de mœurs des femmes autant de signes de désordre et de décadence de la société. A chaque époque, on voit mieux la paille dans l’œil de la voisine que la poutre dans le sien ! Il y avait certainement un relâchement des moeurs inquiétant chez les hommes comme chez les femmes. La devise de saint Clair confirme bien que c’est une réforme morale qu’il a incarnée et implantée dans toute la Normandie et le Vexin : « S’abstenir et souffrir, le plus court chemin pour parvenir au  Ciel ». Et cela signifiait défendre un idéal de vie qui était aux antipodes aussi de l’idéologie virile guerrière des Anglais, des Normands, et des Vexinois : « la mort, il ne faut ni la craindre, ni la désirer », ajoutait-il.

Enfin les angoissés comme saint Clair pressentaient probablement la Guerre de Cent Ans qui allait épuiser tant les Français que les Anglais, car Anglais et Français n’en finissaient pas de trancher leurs différends ; la frontière que constitue l’Epte était marécageuse, indécise, et fut longtemps sanglante comme une plaie qui ne se refermait pas. Rollon le Normand géant avait eu beau signer avec Charles le Simple le traité de Saint-Clair-sur-Epte en 911, et s’engager à protéger l’Ile de France des incursions anglaises, le célèbre coup de genou malencontreux qui renversa le roi promettait encore des siècles d’irritations et de vexations réciproques. Saint Clair avait été martyrisé en 884, juste avant l’incendie de la ville par les Normands. Il avait séjourné en plusieurs points de la Normandie, et avait fait l’admiration générale par sa piété. Sa mise à mort sur ordre d’une dame dépitée déclencha l'indignation populaire. C'était un acte de barbarie dans un un drame récurrent, celui de la rivalité entre l’empire des mers et celui de l’Europe continentale, superposé au débat de société.

 

Prier saint Clair, c’est ressentir que nous sommes comme  ses représentations, des personnages schizophrènes, scindés, amputés, en imminent danger de mort. Prier saint Clair, c’est déjà retrouver la force de ramasser notre pensée arrachée, la prendre en main, lui faire regarder, les yeux grands ouverts, notre destinée. Mais prier saint Clair, ce n’est pas seulement se reprendre, comme on dit. C’est aussi se déclarer en marche pour servir ce qui nous dépasse, ce qui est devant nous et que tout le monde ne voit pas. Prier saint Clair, c’est l’attitude qui change tout, l’humilité : lui faire confiance pour nous rendre la clairvoyance perdue, offrir à Dieu nos égarements et nos angoisses, pour qu’il en fasse la matière de notre courage et de notre fécondité spirituelle.

Les mémorialistes de saint Clair

On peut en dire bien plus, sur la dévotion à saint Clair, parce qu’elle est attestée dans toute la Normandie depuis Cherbourg, et jusqu’à Paris, où il en reste trace à Saint Nicolas du Chardonnet, avec une relique, comme dans la chapelle de l’abbaye bénédictine de Saint-Victor, aujourd’hui rasée, et à Saint-Germain-des-Prés.

A deux reprises les gens de Saint-Clair-sur-Epte se sont battus pour garder chez eux les reliques de leur saint : contre les calvinistes du Buhy, le bourg voisin, qui voulaient les profaner, en 1586; et contre les Parisiens, qui voulaient en prendre de force, parce que le culte des reliques rapportait gros à chaque localité qui en avait, en 1630. Mais les reliques sont encore de nos jours objet de convoitise : la châsse a été fracturée, il y a une dizaine d’années, et un os dérobé…

En 1911, des délégations normandes, danoises, norvégiennes et suédoises sont venues pour les célébrations du millénaire, puis le nouveau Vitrail du Souvenir fut installé dans l’église. En 2011, le 19 juin, de nombreuses troupes de reconstitution viking et carolingiennes s’étaient donné rendez-vous pour faire revivre ce moment d’histoire qui a vu naître la Normandie continentale avec sa spécificité. Une partie des figurants a d’abord remonté la Seine pendant plusieurs jours jusqu’à La-Roche- Guyon à bord de quatre navires viking. De là, ils ont effectué une marche de plus de 20 km les amenant à Saint-Clair-sur-Epte, et un dernier effort leur a permis de traverser l’Epte à gué.

 

 

Ce sont les curés successifs de Saint-Clair-sur-Epte qui ont transmis l’histoire du bourg, de son église, de ses saints et de ses cultes : l’abbé Joseph Lautram, avec sa brochure de 1956, reprenait le rapport du chanoine Legros, de 1883, et les observations de l’archéologue d’Arthies Léon Plancouard ; M. Colleville, qui avait repris la Vie de saint Clair par Robert Deniau, curé de Gisors en 1683, a collecté en 1959 tout cela. Autre étape importante, l’instituteur M. Emery, comme ses pairs dans la France entière, rédigea un rapport sur son village, à la demande de son inspecteur, en 1899 : il y détaille avec tendresse chaque étape d’un pèlerinage qui attira jusqu’à 3000 personnes, de toute la Normandie que saint Clair avait traversée, répandant la paix de l’âme. Et M. Destouches, archéologue disparu en 1936, le grand- père du maire de Saint Clairdu même nom (élu puis rééelu de 1978 à 2003), avait repris les recherches.

 

C’est la dévotion de millions de personnes, au fil des siècles, que nous transmettons ici, comme une torche éternelle. La cérémonie du feu remonte certainement à la préhistoire et c’est un peu ce même feu, si bien compris et ranimé par saint Clair, qui parle en nous quand nous évoquons un souvenir exaltant de profonde charité en chantant par exemple avec Georges Brassens « et dans mon âme il brûle encore, à la manière d'un feu de joie… »  M. P.

Les vitraux

La légende de saint Clair, vitraux par Chamusseau.

- Le tryptique sur la façade sud: la mort de la Vierge.

- Le triptyque sur la face nord: le traité de St-Clair-sur-Epte: Rollon s'agenouille devant le représentant du roi de France Charles le Simple.

Baie à 4 viraux : L'assomption de la Vierge.

Dyptiques : Scènes de la vie de la Vierge, la naissance de Marie, la Visitation

- Nativité de Jésus

- Jésus avec les docteurs de la Loi au Temple, la fuite en Egypte

 

Autres :

- Saint clair aborde les côtes de Neustrie

- Saint Clair en prière

- Saint Cyrin.