Tout savoir sur le culte de saint Romain à Wy-dit-Joli-village :

 

 

 

QUI ÉTAIT SAINT ROMAIN?

La naissance de saint Romain, en 585, au temps du roi Dagobert (VIIème siècle),  tenait déjà du miracle, car sa mère Félicité était stérile, mais un ange  était apparu à son père, lui annonçant qu'ils auraient un fils nommé Romain.

 

Il s'agissait d'une famille seigneuriale, et c'est à Wy que sa famille avait un château, le château des Rochettes; ils descendaient de Renault, qui vivait au temps de Childéric, roi franc de Soissons, mort en 481. Le père de saint Romain était Benoist de Sicambre, et sa mère Félicité de Challon. Très jeune, Romain fut envoyé chez le roi, pour son éducation, et c'est là qu'il rencontra saint Ouen et saint Eloi, qui allaient devenir comme lui des évêques très importants.

 

A Wy, Saint Romain fit bâtir près de la source un hôpital pour les "pauvres viatouriers" (ceux qui faisaient des allers et retours sur la voie), nombreux car on venait de loin à Wy, village situé sur l'axe Soissons - Rouen, desservi par une chaussée datant des Romains. Les Francs, unis par la loyauté envers le roi à Paris, avaient étendu leurs royaumes d'Est en Ouest, et l'action de saint Romain à Wy s'inscrit dans cette dynamique.  N'oublions pas que tout près, Genainville avait été une très grosse ville romaine, abandonnée au V° siècle.  Saint Romain fit aussi bâtir, dit-on, l'église Saint-Nicolas à Guiry, dans l'Aulnaye Périlleuse, "où il venait méditer avec un vieil ermite qui vivait là d'herbes et de racines", à ce qu'on dit.

 

sortes de maladies; à Rouen, l'autre pôle de la vénération pour saint Romain, on considère que celui-ci protège de maux tels que la noyade ou la folie. A Wy, outre les rhumes, on mentionne la guérison des maladies des yeux. Cette croyance n'a rien de ridicule, et s'appuie certainement sur une richesse particulière en minéraux de cette eau. Mais surtout, le père Hugues, qui organise le pèlerinage annuel à la source de Saint Romain depuis l'église d'Avernes, nous fait comprendre qu'il y a là une métaphore : même si la pharmacopée a évolué, il y a dans la persistance du culte à saint Romain une leçon qui reste toujours d'actualité: quand on a l'humilité d'aller lui demander sa protection, saint Romain agit en nous, il nous guérit de notre cécité au Saint-Esprit.

 

Peut-être que le culte à saint Romain, avec son pèlerinage à la source miraculeuse qui porte son nom, s'est maintenu au-delà du Moyen-âge parce que la présence des protestants, proches, stimulait les catholiques, par réaction? En effet, les protestants, nombreux au hameau de Hazeville tout proche, combattaient la vénération pour les saints et les pratiques où ils voyaient des relents de fétichisme et de paganisme, préférant exalter les aspects les plus rationnels et abstraits du divin.

Toujours est-il que les habitants de Wy tiennent absolument à ce que la cérémonie se déroule selon leur rite traditionnel: le matin, messe à l'église de Wy, puis procession avec la statuette jusqu'à la fontaine, où le curé trempe le saint et le bénit, puis repas en commun. Ils ont une relation d'appartenance réciproque très forte avec leur saint patron, et il serait regrettable que le fil ténu de la tradition se rompe, alors même que la municipalité a voté des crédits importants pour installer un chauffage par le sol de l'église: cette église, modeste, mais belle, ne demande qu'à revivre. Les touristes sont attirés à Wy par le Musée de l'Outil, la "Forge médiévale". Ils devraient pouvoir admirer les trésors de l'église par la même occasion, et reprendre pied dans l'univers chrétien, grâce à la présence dans la géographie même du village, de saint Romain.

longtemps conservé dans la crypte d’une église plusieurs fois détruite, reconstruite et remaniée (actuelle église Saint-Godard) [1].

Au temps des invasions normandes, alors que la plupart des reliques conservées à Rouen sont mises à l’abri, - les restes de Saint Godard et le "chef " (la tête) de Saint Romain partent pour Saint Médard de Soissons, - le corps de Romain est transporté à l’intérieur des murailles de Rouen. On le conserve sans doute dans une chapelle du palais archiépiscopal, proche des murs, du côté du Robec et des marais du " Malpalu ". C’est le secteur inondable de la périphérie urbaine mais à une altitude que les débordements les plus menaçants n’atteignent guère. Romain y gagne la réputation de les arrêter. Le fait que, par ailleurs, il n’ait pas " déserté " semble être pour beaucoup dans sa désignation comme patron de la ville et du diocèse. Le "chef" de saint Romain est rapatrié ensuite très solennellement en 1140. La foire de Saint-Romain, assortie d'une procession, devient un grand évènement régional, on y battait monnaie, et au nord de Rouen, le champ du "pardon" en garde la mémoire; le dimanche suivant le 23 octobre reste un moment fort de l'année à Rouen.[2]

C'est vers 1179 que le culte à saint Romain prit un essor fabuleux.  Vers 1210, Richard, de l'abbaye de Soissons, souhaita que toutes les églises du diocèse de Rouen soient dédiées à la Vierge et à saint Romain. Le culte à saint Romain prit une telle ampleur à Rouen qu'il éclipsait saint Ouen, le plus connu des évêques de Rouen. 

 

LA MERVEILLEUSE LÉGENDE DE SAINT ROMAIN

 

On rattache à saint Romain de nombreuses anecdotes relevant de la parabole, très semblables à d'autres épisodes de vies de saint. Il s'agit en fait de contractions de moments inespérés et pourtant authentiques, dans lesquelles on souligne un symbolisme fort. La dimension fantastique fonctionne comme un raccourci entre les âmes: nous recevons le message spirituel "en plein cœur"; les légendes saisissantes sont représentées à foison sur les vitraux médiévaux. Nous retiendrons seulement celle qui se prête le mieux à la mise en images, et qui daterait en fait du XIème siècle: elle raconte qu'au Malpalu, quartier insalubre de Rouen, sur la rive gauche de la Seine, où s'étalaient des marécages,  la Seine avait débordé, et le saint la fit rentrer dans son lit. Mais de la vase sortit  un énorme serpent, dit gargouille ou dragon, qui « dévorait et détruisait les gens et bêtes du pays », outre qu'il "corrompait l'air de son haleine pestilentielle".  Cette vision horrible souligne la détresse des habitants, avant que l'évêque prît ce problème d'assainissement en main. Saint Romain décida de chasser le monstre de ces terres, mais ne trouva pour l'aider qu'un condamné à mort qui n'avait plus rien à perdre. Ils arrivèrent tous les deux sur le territoire du dragon, saint Romain traça un signe de croix sur lui et la bête se coucha à ses pieds; puis il donna à son compagnon son étole comme licou, et le condamné à mort ramena le monstre ainsi tenu en laisse dans la ville, où il fut brûlé sur le parvis de la cathédrale, et ses cendres furent jetées dans la Seine[3]. Et le condamné à mort héroïque fut gracié, bien sûr. Ceci ressemble à un conte de fées, mais c'est aussi une belle variante sur le thème des Béatitudes, dans l'Évangile, qui promet le paradis aux plus misérables ici-bas. C'est une promesse de pardon pour ceux qui se savent rejetés de la société, par leur origine sociale ou leurs fautes personnelles, et c'est  aussi un rappel de la logique de Jésus, qui faisait plus confiance aux réprouvés qu'aux élites, les "pharisiens", pour comprendre et mettre en œuvre la parole de Dieu. C'est grâce à sa foi que le condamné trouva le courage et l'habileté nécessaires pour venir à bout du dragon. Autre sens symbolique de la légende, qu'on retrouve dans l'histoire de saint Michel et de saint Georges, ou du Minotaure dans la culture grecque: seul l'amour apaise et rend docile le monstre qui est en chacun de nous.

 

L'HYMNE DE SAINT ROMAIN

 

(créé ou transcrit par le père Lefèvre):

 

"Rassemblons-nous, peuple fidèle,

Célébrons notre saint patron

que nos cœurs en ce jour

le prennent pour modèle,

qu'ils chantent ses bienfaits,

exaltent son saint nom."

 

 

LE PÈLERINAGE DE WY-DIT-JOLI-VILLAGE

 

On venait au pèlerinage de Wy de tout le Vexin et des autorités se déplaçaient même depuis Rouen pour représenter l'évêque. On mentionne des migrations depuis le Moyen-Age de la Beauce, de la Picardie et de la Normandie. La tradition locale attribue ce pèlerinage aux vertus extraordinaires de la source de Wy, que saint Romain lui-même aurait fait sortir de terre. Cette eau serait excellente pour guérir toutes     Il fut nommé évêque de Rouen très jeune, en 626. Pour commencer, i Il racheta toutes les terres environnantes et les donna en 629 au chapitre de la cathédrale de Rouen. Il fut réputé pour faire reculer les inondations, ce qui donna lieu à la légende de la "Gargouille". Il combattit le paganisme (détruisant un ancien temple de Vénus), et, et par sa piété, il multiplia les prodiges, parce qu'il donnait l'exemple de la piété et de l'ascèse.

 

L'œuvre de saint Romain comme évêque de Rouen fut si remarquable que le roi Dagobert accorda au chapitre un privilège, appelé "fierté de saint Romain": celui de gracier un condamné à mort tous les ans, le jour de l'Ascension[4]; en tout cas, ce privilège perdura jusqu'en 1790. A cette occasion, on demandait au seigneur de Guiry s'il avait un prisonnier dans ses geôles, car le privilège de Dagobert s'étendait aux Guiry qui descendaient comme saint Romain de Renault. Le privilège donna lieu à des conflits avec les magistrats et les rois, ainsi qu'avec le cardinal de Richelieu, mais les habitants de Rouen résistèrent, et la "fierté" ne fut abolie qu'avec la grande uniformisation de la justice sous la Révolution.

 

Saint Romain mourut le 23 octobre 635; la légende dit que peu de temps avant de mourir, il était en train de dire la messe, quand il entra en extase, son corps se soulevant du sol, tandis que Dieu lui annonçait la date de sa mort. Il fut inhumé hors les murs selon la coutume, probablement dans une basilique funéraire élevée pour l’occasion. Ses restes reposent dans un sarcophage de marbre rouge.                                   

                               

S

                        SAINT ROMAIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

STATUE DE SAINT ROMAIN

À LA FONTAINE DE WY-DIT-JOLI-VILLAGE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   SAINT ROMAIN, ÉVÊQUE DE ROUEN,       

   NÉ À WY-DIT-JOLI-VILLAGE en 585  

   LA LÉGENDE ET LES PÈLERINAGES  

 



[1] Les châsses et reliquaires de la cathédrale de Rouen ont été exposées au Musée de la Seine Maritime du 26 mai au 31 décembre 1993. Le reliquaire de saint Romain est somptueux, quoique de petites dimensions (38 cm); il est en ivoire, argent doré, cristal de roche, et cuivre doré. Décoré de deux anges du 3ème quart du XIII° siècle, et de 17 statuettes de saints (21 cm) datant de 1668 (il en reste 8).

 

[2] Il existe quatre Vies de Saint Romain : l'une a été écrite en vers latin au viiie siècle. Une Vie en prose a été adressée à l'archevêque de Rouen par le doyen de Saint-Médard de Soissons. Elles sont conservées à la Bibliothèque municipale de Rouen, tandis qu'une autre Vie est propriété de la Bibliothèque nationale de France, à Paris.

[3] On trouve d'autres histoires de dragons matés par des saints dans d'autres villes:  le Graoulli à Metz, la Chair salée à Troyes, le Kraulla à Reims, le Dragon de Saint-Marcel à Paris, la Tarasque à Tarascon.

 

[4] On ne trouve aucun document sur saint Romain avant le IX° siècle. Et le célèbre privilège n'est attesté que depuis 1394, selon Roland Vasseur et Françoise Waro.

Vitrail de saint Romain, dans l'église de Wy dit Joli Village

Le martyre de saint Cyr, église de Villejuif (94800), XVII° siècle.

 

La légende saint Cyr et de sainte Julitte

(à faire lire à plusieurs voix par les enfants du village)

Narrateur 1

Il était une fois, dans la ville d'Iconium en Turquie, une très belle et noble dame, mais qui avait beaucoup d'ennemis.

Narrateur 2

Elle s'appelait dame Julitte, et elle était très bonne.

Enfant 1

Ça commence comme un conte de fées, j'espère que ça finit bien!

Enfant 2

Mais pourquoi était-elle en danger? Et personne ne la défendait contre les méchants?

Narrateur 1

La police romaine la traquait, parce qu'elle était chrétienne.

Narrateur 2

Iconium, c'est près de Tarse. Et c'est saint Paul, né à Tarse, qui avait converti au Christ de nombreuses personnalités, dans tout le proche Orient, et jusqu'à Rome. C'était un orateur impressionnant.

Narrateur 3

Comme saint Paul, les chrétiens refusaient de reconnaître l'autorité spirituelle des Juifs et des Romains.

Narrateur 4

Et voici l'histoire de Julitte et de son petit garçon, qui s'appelait Cyr.

Narrateur 3

Julitte est une jeune femme, mère d’un garçon de trois ans, Cyr, lorsqu’elle est arrêtée à cause de sa foi en Jésus le Christ.

Narrateur 4

Elle est présentée devant le juge Alexandre qui la menace des pires supplices si elle ne renie pas sa foi et si elle n’accepte pas de faire les offrandes rituelles devant la statue de l’empereur Dioclétien, élevé au rang de dieu vivant.

Julitte

Je crois en un seul Dieu, créateur du ciel et de la terre!

Magistrat

Croyez ce que vous voulez, mais rendez aussi culte à l'empereur, c'est un ordre!

Narrateur 3

Durant l’interrogatoire, le juge Alexandre prend l’enfant sur ses genoux, mêlant caresses et menaces, en espérant que les craintes de la mère pour son fils suffiront à la faire fléchir.

Julitte :

Non, je ne sacrifierai pas aux idoles ; je suis chrétienne ! 

Narrateur 4

Alors son fils, le petit Cyr, fixe le juge dans les yeux et crie à son tour : 

Cyr

 Moi aussi, je suis chrétien ! 

Julitte

Et il griffait le juge Alexandre au visage, de toutes ses forces, pour me défendre.

Narrateur 1

Le juge, ulcéré, attrape alors l’enfant par une jambe, et lui fracasse la tête sur les marches de son siège.

Narrateur 2

L’enfant meurt aussitôt, mais il n'avait pas cessé de crier:

Cyr (ou tous les enfants à la fois)

Moi aussi je suis chrétien!

Narrateur 1

Julitte pleure devant le martyre de son petit enfant, comme la sainte Vierge devant son fils Jésus crucifié.

Narrateur 2

Mais elle se sent grandir, inexplicablement, elle n'a plus peur, elle n'a plus mal, sa foi lui donne une force immense.

Narrateur 3

Julitte refuse plus que jamais de renier la foi en Jésus le Christ.

Julitte

Mon petit Cyr me disait: Dieu c'est comme un père.

Cyr

Dieu c'est un guerrier.

Enfant 1

Dieu c'est mon libérateur!

Cyr

Dieu c'est celui qui a fait le ciel et la terre

Enfant 2

Il nous a fait aussi, dieu?

Enfant 3

Le monde entier lui appartient!

Enfant 4

Dieu c'est notre Sauveur!

Tous les enfants et narrateurs ensemble

Gloire à Dieu au plus haut des cieux!

Narrateur 4

Julitte marche alors avec courage vers son propre martyre, confiante en Dieu, qui, elle n’en doute pas un seul instant, a déjà fait une place parmi les saints à son fils Cyr.

Narrateur 1

Cela se passait le 16 juin 304, à Tarse, la ville-même dont saint Paul était originaire trois siècles plus tôt.

Narrateur 2

Saint Cyr avait trois ans, dit-on, et c'est le plus jeune de tous les saints jamais reconnus par l’Église.

Narrateur 2

Le culte de saint Cyr et celui de sa mère Julitte vont se répandre dans toute la chrétienté, notamment grâce à saint Amatre, évêque d’Auxerre, qui rapporte leurs reliques en Occident.

Enfant 1

Donc ce n'était pas un conte de fées, l'histoire a fini très mal, pour Julitte et pour son enfant!

Enfant 2

Mais tous les deux sont morts heureux, en rendant grâce à Dieu, parce que mourir pour Dieu, c'est le sens de la vie.

Narrateur 3

Attendez, ce n'est pas fini! La légende de l'enfant héroïque ne s'arrête pas là. Voici maintenant l'histoire du rêve de Charlemagne.

Narrateur 4

Comme tous ceux qui ont de lourdes responsabilités politiques, Charlemagne avait beaucoup de soucis, et il en faisait des cauchemars.

Enfant 1

Un jour, alors qu'il était de passage à Nevers, il s'assoupit, épuisé par la fatigue quand soudain...

Enfant 2

Il se réveilla en sursaut, poursuivi par une harde de sangliers furieux.

Enfant 3

Ils allaient le piétiner et le dévorer, et il avait la peur de sa vie!

Enfant 4

Mais soudain un petit enfant dévêtu se précipita pour le délivrer, en criant:

Cyr

Habillez-moi, ô mon roi!

Enfant 3

L'enfant réussit à monter sur le dos du plus gros des sangliers, et il les mit en fuite: un vrai miracle!

Enfant 4

Charlemagne se rendit compte alors qu'il avait fait un mauvais rêve et il le racontait à tout le monde.

Narrateur 1

Vous imaginez, un petit enfant qui était plus fort que les sangliers, un petit enfant à qui le roi devait la vie!

Narrateur 2

Mais Charlemagne se demandait:

Charlemagne

Pourquoi ce petit enfant était-il tout nu dans le froid, et pourquoi me disait-il : habillez-moi, mon roi!

Narrateur 3

Alors l'évêque Jérôme, avec les prêtres de la cathédrale de Nevers, donna à Charlemagne l'explication de cette étrange apparition:

Narrateur 4

Sire, cet enfant nu, et à la fois si petit et si puissant, c'était une apparition de saint Cyr!

Charlemagne

Mais comment pourrais-je l'habiller, si ce n'était qu'un rêve?

Enfant 1

Ce que voulait vous dire saint Cyr, c'est qu'il faut lui bâtir des églises dans toute la France, sire!

Narrateur 1

Et voilà comment on compte en France, depuis ce temps-là, plus de quarante communes qui portent le nom de saint Cyr, ainsi qu’une infinité de paroisses qui sont dédiées à saint Cyr et à sainte Julitte, comme Saint-Cyr-en Arties,

Narrateur 2

Et c’est encore sans compter les variantes linguistiques, comme saint Cirgues, saint Cirq, ou en Corse, san Quiricu.

Enfant 2

Et d'ailleurs Cyr, en grec, la langue de la Turquie à l'époque, se dit Kyrie, ce qui veut dire le Seigneur.

Enfant 3

C'est pourquoi nous chantons au début de la messe: Kyrie Eleison, ce qui veut dire: Seigneur prends pitié de nous.

Tous les enfants

Prions pour que saint Cyr continue à faire des miracles parmi nous, comme le Christ,

Enfant 4

Et comme les bons enfants qui font le bonheur de leurs parents!

Toute l'assemblée reprend le chant:

Je crois en toi, mon Dieu... https://www.youtube.com/watch?v=tYuzPejCFlM&ab_channel=Ensemblevocall%27Alliance-Topic (on peut le chanter plus vite et plus joyeux)

1

Je crois en Toi, mon Dieu

 

Je crois en Toi

 

Vivant et mystérieux

 

Si près de moi

 

Dans tous mes désarrois

 

Tu garderas ma foi

 

Je crois en Toi, mon Dieu

 

Je crois en Toi

   

2

J'espère en Toi, mon Dieu

 

J'espère en Toi

 

Ta main, du haut des cieux

 

Prend soin de moi

 

Quand sous l'effort, je ploie

 

Quand sombre toute joie

 

J'espère en Toi, mon Dieu

 

J'espère en Toi

   

3

N'aimer que Toi, mon Dieu

 

N'aimer que Toi

 

Tes Saints, d'un coeur joyeux

 

Ont fait ce choix

 

Ils ont tracé pour moi

 

La route vers ta Loi

 

N'aimer que Toi, mon Dieu

 

N'aimer que Toi

   

4

Plus près de Toi, mon Dieu

 

Plus près de Toi

 

Pour que je serve mieux

 

Reste avec moi

 

Fais moi de jour en jour

 

Grandir en Ton Amour

 

Plus près de Toi, nom Dieu

 

Plus près de Toi

 

 

Le livre collectif de l'association


 

 

 

LA ROCHE GUYON ET LE PAYS D'ARTHIES, UNE HISTOIRE SPIRITUELLE

Extrait: CHAPITRE VIII (p. 239-264)

 

L'âme d'un village: Saint-Cyr-en-Arthies

 

 

0.

Jusque vers 1830, on pouvait voir, non loin de Drocourt, une pierre levée, un dolmen, qui servait probablement d’autel aux druides, au temps des Gaulois, et un « rang des fées » se signale encore par une étrange rangée d’arbres, sur la hauteur, en face des Ravenelles.

Partout, les points culminants se prêtent à l’élévation de l’esprit… On dit que les Allemands installés au château de Saint-Cyr pendant la guerre y avaient trouvé une faucille d’or utilisée par les druides pour couper le gui sacré qui ne pousse que sur les chênes. On a retrouvé à Saint-Cyr les traces d’hommage aux morts de l’époque romaine : des urnes en argile, renfermant des cendres, dans la côte, le long de la rue du Parc. Le village était donc déjà bien peuplé, et il y avait des commerçants, car on a retrouvé des pièces à l’effigie de Néron et d’Hadrien. Et donc aussi des paysans pour vendre de la nourriture à tout le monde, et, forcément, un encadrement administratif et spirituel pour donner de la cohérence à tout cela. Puis les Vikings envahissent, avant d’être absorbés par la population autochtone.

 

1.

 

Comment s’appelait donc notre village avant de s’appeler Saint-Cyr ? Probablement un nom qui suggérait la petitesse et la force à la fois. Un mot en « i », et quelque chose signifiant «talweg » (mot germanique) c'est-à-dire « le creux de la vallée », ou « les sources », car il y en a plusieurs depuis les Ravenelles, sur le plateau, jusqu’aux lavoirs et aux mares du Parc ; quoique très discrètes, ces sources favorisent le phénomène des torrents qui dévalent la rue du Parc à chaque gros orage depuis la nuit des temps. Les habitants ont probablement choisi le nom de saint Cyr au temps de Charlemagne (800 et quelque), époque d’enthousiasme, parce que la légende de saint Cyr est un développement de l’idée de source ; c’est l’histoire d’un bébé, à la fois minuscule et d'une force grandiose. Charlemagne avait une dévotion pour ce saint, un petit enfant martyr, parce qu’il avait rêvé de lui, une nuit d’angoisse : il était poursuivi par des sangliers, puis avait été miraculeusement sauvé par un enfant nu ; et les prêtres de Nevers avaient interprété son rêve comme une apparition de saint Cyr, un héros du temps des persécutions contre les chrétiens, parmi les plus jeunes et attendrissants de la Légende Dorée. Il faut que des générations d’habitants de la cinquantaine d’agglomérations et de sanctuaires portant le nom de saint Cyr en France aient été subjugués par la force de ce tout petit enfant, pour qu’ils aient changé de nom définitivement…

 

En l’an 1000, Saint-Cyr et Drocourt sont sous l’autorité du monastère de Juziers. La première mention écrite du nom de notre village figure dans les archives du monastère, en 1015. Il doit être beau et prospère, notre village, car le comte de Meulan et vicomte du Vexin, le seigneur Hugues, le convoite ; mais le monastère gagne cette première bataille pour posséder Saint-Cyr ! Notre village a déjà une église en pierre. Un souterrain la relie au presbytère, un chemin au château : les habitants sont donc fort bien gouvernés, parce que les autorités communiquent entre elles : c’est un village structuré, qui gravite autour de ses deux pôles, le château pour tout ce qui était matériel, et l’église pour le reste.

 

2.

 

La guerre de Cent Ans a ravagé le Vexin. Saint-Cyr est probablement détruit par les armées de Richard Cœur de Lion. On peut imaginer les habitants terrés dans les grottes et les caves, avec les provisions et les bêtes. Leurs chaumières sont parties en fumées, ils se cachent sous terre, ils sont terrifiés, ils implorent tous les saints qui leur passent par la tête… ils se sentent aussi misérables que le petit saint Cyr, qui fut mis à mort à l’âge de trois ans, simplement parce qu’il cherchait désespérément à protéger sa mère, et à être aussi courageux qu’elle… Ils sont affamés, les soldats détruisent les récoltes et s’emparent des troupeaux… Philippe Auguste traverse Saint-Cyr le 30 juin 1189, et repousse les Anglais. Enfin la paix: on peut imaginer que les villageois taillent des belles pierres blanches prises dans les carrières du bas du village pour reconstruire leur église, qui a été incendiée comme le reste.

Mais les guerres et le brigandage reprennent. Mantes a toujours été un énorme enjeu. Les gens de Saint-Cyr sont obligés d’être solidaires, et de participer à la réparation des fortifications, par un ordre de 1368. Mantes, c’est la grande ville commerciale, tout le monde a besoin d’elle. La route est d’ailleurs plus courte qu’aujourd’hui, puisqu’elle emprunte le GR, tout droit, de la ferme de Brunel au bois du Chesnay, en passant par la rue du Parc, jusqu'au bois de Saint-Sauveur, à Limay : moins de deux heures, à pied ou en carriole.

Il faut aussi dépanner les gens de La Roche-Guyon, et leur fournir du sel, dit un document de 1504. Le sel, c’est un impôt en nature. Il vient de loin, c’est un trésor. Cela prouve que Saint-Cyr est considéré comme un village assez riche ! D’ailleurs, en 1590, Saint-Cyr est déjà touristique : le bon roi Henri IV aimait bien passer par là, en revenant de chasser dans la forêt d’Arthies, et avant d’aller dormir au château de La Roche-Guyon chez son amie la superbe Gabrielle d’Estrées. Il passait d’abord par Wy, dit depuis lors « Joli village ». Imaginons la fête pour les aubergistes, les marchands de pigeons, poulardes, cochonnailles et autres victuailles, et pour tous les enfants, qui ont dû faire une énorme escorte à ces messieurs, comme maintenant à chaque Paris-Mantes, ou quand le tour de France passe à Drocourt… On appelle désormais toute la vallée que le Roi a descendue « La Vallée du Roi ». Quand un roi daigne passer par là, tout le monde se sent grandir, se voit briller, se prend à rêver. Au château de Saint-Cyr, ce sont les seigneurs de Sailly qui règnent, depuis 1558.

 

3.

 

De toutes façons, à Saint-Cyr, il y a toujours de bons prétextes pour faire la fête : déjà, la fête patronale, celle de saint Cyr et de sa mère sainte Julitte, c’est le 16 juin, la meilleure saison ! L’église a été refaite en 1648, et pas n’importe comment : un architecte est venu de Falaise, avec un ouvrier et deux maçons qui travaillent le chœur. Les seigneurs finançaient les travaux, et les riches léguaient leurs biens à l’église, tel le marchand Pierre Capelain en 1675, ce qui a permis d’édifier le clocher. Enfin on a des vignes, à Saint-Cyr, pour arroser ça : 8 arpents et demi, sur les grouettes qui s’y prêtent. Il en restait encore, des vignes, au-dessus de la carrière, dans les années 1950.  

 

A ce propos, les cloches sonnent à tout bout de champ : c’est l’angélus, matin, midi et soir, comme maintenant, mais aussi l’appel à la messe et aux vêpres, tous les dimanches, le glas, le tocsin en cas d’incendie ou de guerre, et aussi quand on chante un « Libera nos Domine » pour le repos de l’âme de maître Capelain, comme il l’a exigé par testament ; sans compter les baptêmes, les mariages et les fêtes carillonnées ; mais personne n’aurait l’idée de s’en plaindre, car nos cloches ont un beau son profond, qui rythme la journée en beauté, qui répand sur tous sa sérénité. Quand elles cessent de sonner, le vendredi saint, quel vide, quel manque, quelle angoisse, quel deuil ! Et quelle joie quand elles reviennent, le dimanche de Pâques. On dit aux enfants qu’elles étaient parties à Rome, et on imagine toutes les cloches de tous les villages de France et d’Europe se retrouvant là-bas une fois par an pour prodiguer leurs sages conseils aux papes : quel concert, quel son ! Les nôtres sont baptisées le 22 septembre 1767, il y en a deux, Cyr et Julitte, et leurs parrains sont Monsieur Pilleux, maçon, et Madame Marie-Marguerite Charpentier, la femme du marguillier, membre du conseil de la paroisse. Puis il a peut-être bien fallu les fondre pour faire des canons… En tout cas, une nouvelle cloche les remplace en 1855, elle s’appelle Marie-Thérèse, et elle est toujours là, fidèle, en 2011.

 

4.

 

Les Saint-Cyriens se multiplient comme des lapins : et en 1752, voilà qu’il faut agrandir l’école, qui se trouve dans le trou qu’on a maintenant dans la rue des Vergers. Et pourtant, n'y allaient que les garçons, les filles restaient à la maison. Le village était tout tassé le long de la rue du Parc, entre le château et l’église, l’un faisant vivre le village physiquement, l’autre prenant soin des âmes, mais cela faisait presque autant de monde qu’aujourd’hui : 44 feux ou foyers, de 4 personnes en moyenne, soit l’un dans l’autre, 180 habitants. Mais on se lamente, quand on en est là, après les pestes, les guerres ou les famines, c’est un recul très net. 234 habitants en 1841, quelle décadence, dit-on à ce moment. Et 232 habitants en 2007, ça y est, le village va revivre, disons-nous…. Dans chaque famille, le roulement était autrement plus rapide que maintenant : il y avait des enfants partout, mais il en mourait tout le temps. On a même retrouvé un nouveau-né à moitié dévoré par les bêtes dans le parc du château, en 1806. Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, enfin le village commence à prendre cet aspect qui maintenant nous semble classique : au départ on avait habité avec ses bêtes dans les caves, au ras du sol, puis les caves se sont enfoncées; les bêtes sont restées en bas et les gens sont montés dans les rez-de-chaussée, c'est-à-dire à la hauteur de la rue, sous un toit de chaume. Désormais, on ajoute un étage, qui fera chambre à coucher, d’abord pour les enfants, puis pour tout le monde. Mais jusqu'en 1880, plus de la moitié des maisons du village possédaient encore un toit de chaume, la tuile était trop chère.

 

5.

 

Qu’est-ce qu’ils ont bien pu faire au Bon Dieu, tous ces Saint-Cyriens, pour qu’un orage jette par terre le mur du parc, et inonde le bas du village, au point de noyer leurs meubles dans la boue, le 13 octobre 1764 ? Une année bizarre, celle-là : il y a eu une inquiétante éclipse de soleil le 1er avril, les coqs décontenancés se tenaient cois, on n’entendait plus un oiseau… Peut-être que le curé Bricourt avait entendu en confession des aveux de criminels n'en pouvant plus de leurs remords…

Parfois il vaut mieux oublier les catastrophes, pour retrouver son courage. D’autres fois, au contraire, il faut préserver le souvenir et la colère devant l’injustice : ainsi en 1850 un vieux que tout le monde aimait bien, et qu’on appelait Jean Le Bon, est retrouvé mort en haut de la côte. On a de bonnes raisons de penser qu’il a été assassiné : il avait été au service de Monsieur de Pommereuil, au château, et il était garde-chasse. Il avait dû déranger des cambrioleurs ou des braconniers, ou des envieux. Tout le monde est indigné, et on construit le petit calvaire là où on l’a trouvé, pour honorer sa mémoire. On n’a pas retrouvé le coupable, et son âme en peine a rôdé longtemps la nuit, à chaque anniversaire de sa mort. Les curés disaient : « celui qui travaille prie ». On était loin de considérer le travail comme un sort enviable, ou du moins normal, à l’époque. En ville, les premiers socialistes se battaient pour l’abolition du salariat, considéré comme indigne des hommes libres. Il est sûrement encore temps de prier pour Jean le bon travailleur, puisqu'il avait prié de fait, peut-être en rouspétant, pour ses voisins les Saint-Cyriens !

 

6.

 

La vallée a perdu ses filasses, avec la fameuse tempête de 1764. Elle avait ses chènevières, qui produisaient le chanvre, dont les tiges trempaient longuement dans des bassins aménagés dans les mares, ce qui répandait une puanteur bien connue, avant de devenir fibres lavées dans les ruisseaux; il paraît que l’eau de la cascade du château recouvre les objets de calcaire, très vite. Ce doit être bon pour le rouissage. Puis les petites filles apprenaient à filer avec leurs grand-mères, sur la quenouille qui leur faisait peur. Les plus vieilles avaient l’air de sorcières, il valait mieux ne pas les regarder à la lumière des chandelles, toujours à annoncer des calamités en crachant avec leurs vieilles bouches sans dents. Plutôt aller garder les moutons ou les oies en bordure de forêt, avec d’autres petits polissons, mais pas trop loin, car il y a des bêtes sauvages.

 

Une fois filé, le chanvre servait à faire de la ficelle, ou bien on le tissait. Le chanvre a été remplacé par le blé, à Saint-Cyr, mais il reste quand même 17 tisserands à Drocourt en 1840. N’empêche qu’on continue à tailler et à coudre à la maison, on avait sa propre chemiserie. Les camelots passaient régulièrement, pour vendre des boutons, des rubans, et les filles se laissaient tenter, en se disant : il est temps que le progrès arrive jusqu’à Saint-Cyr ! A ce propos, on s’est mis à planter des patates, dans le domaine de Monsieur de Gogué (le parc du château), parmi les premiers à tenter l'expérience dans les environs, en l’an de grâce 1790. La première fois qu’on y goûtait, on se disait que c’était juste bon pour les cochons, ou les sauvages d’Amérique. Mais bon, quand le pain est trop cher, on s’y fait, et on imite les riches, qui se pâment devant leurs premiers hachis selon la recette de Maître Parmentier.

 

7.

 

La Révolution n'a pas été désirée, semble-t-il, à Saint-Cyr. Il y avait bien un révolutionnaire convaincu, paraît-il. Mais il est mort écrasé sous sa carriole devenue folle, dans la côte de Limay, si souvent fatale. Et les habitants, fort conservateurs, ont pensé tout haut que c’était un châtiment divin…. Le curé de Saint-Cyr était même suspect, pour les nouvelles autorités, comme ceux de Limay, de La Roche-Guyon et de Gasny : son arrestation est demandée, le 26 Ventôse de l’an II (16 mars 1794) ; mais cela n’alla pas plus loin. Ensuite, le village dut être fier d'associer ses souvenirs aux campagnes victorieuses de Napoléon: la famille Pilleux conservait le sabre d’honneur de Gédéon Pilleux, qui fut le septième à passer le Pont d’Arcole, dans la bataille mémorable de 1796, avec le jeune général Bonaparte. Pendant la guerre de 39-40, les occupants réquisitionnant les armes, il n’en resta plus que le certificat d’époque, mais celui-ci aussi a disparu.

A noter que jusqu’à la Révolution, les croque-morts étaient regroupés dans la Confrérie de la Charité, qui a son siège à Vétheuil, et ils avaient tendance à abuser de leurs fonctions, sonnant les cloches à toute volée en pleine nuit à la Toussaint, ou parcourant les rues en criant « Réveillez-vous, gens qui dormez, et priez pour les trépassés ». Et ils faisaient la quête, pour se payer après les enterrements des « petits repas et buvettes », parfois même dans les églises. Les confréries possédaient des terres, qu’elles louaient, d’ailleurs. Les curés en avaient assez de leurs abus, la République y a mis fin. Mais il faut les comprendre, les confrères : en temps d’épidémie, frère de la charité, c’était un métier à risque.

Les habitants de Saint-Cyr ont recueilli, comme toute la France, l’héritage de cette fameuse révolution : désormais par exemple, les filles aussi doivent aller à l’école, dans une classe séparée, avec une maîtresse qui est une religieuse, venue d’Evreux, probablement. Ça se passe dans le bas du village, au Vieux Couvent. On rentre tous à la maison à midi. On se méfie des curés: c’est l’instituteur, maintenant, qui a la responsabilité de la tenue spirituelle du village. Outre l’instruction des enfants, il doit chanter à l’église, former les enfants de chœur, sonner les cloches, veiller à ce que l’église soit propre, et faire des rapports à l’administration sur l’état du village… Mais il peut être fier de lui, ce maître, car les parents lui font confiance et le remercient, comme le docteur, avec les produits de leur ferme ou en bons vieux écus qu’ils cachent dans leurs bas de laine au fond de l’armoire. Et ce sont les enfants qui assurent le chauffage : chacun apporte une bûche, tous les matins, et ce, jusqu’au XXème siècle.

 

8.

 

Enfin Saint-Cyr se développe vraiment, au cours du XIXème siècle : s’il y a des gueux laissés-pour-compte, des indigents, il y a aussi un bureau de bienfaisance qui distribue des médicaments, un moulin pour le grain au château, et une hôtellerie tout en haut du village. C'est en 1860 qu'on construit la mairie, là où se trouve maintenant l’école. Il y a aussi une pompe à incendie. La carrière, en pleine activité, sera encore exploitée dans les années 1950, on en tirera des pierres pour la restauration de la Collégiale de Mantes. On dit qu'elles débouchaient jusqu'en haut du village, mais le plan de ces galeries est un secret perdu, elles sont murées dès qu’elles ne sont plus rentables, les autorités ne veulent pas d’une vie souterraine et d’activités clandestines, c’est la règle partout, en temps de paix.

 

L’épidémie mondiale de choléra de 1832 a épargné Saint-Cyr, alors que Vétheuil était touchée. La laïcité et la raison sont devenus les nouveaux idéaux. On plante un arbre de la liberté, en haut du plénit, devant l’église, pour rivaliser avec elle. En fait, tout le monde avait envie de piétiner les barrières, de se libérer de tout, on en avait tellement envie que tout paraissait possible. Les seigneurs de Sailly et de Pommereuil, puis les comtes de Slade, enterrés dans un carré privé, au cimetière, ont perdu leurs privilèges, comme les monastères. Et parfois, on dirait que la Providence, même si l'on n’y croit plus, est du côté du peuple : voilà-t-y pas qu’à Paris les insurgés ont mis le feu au ministère des finances, et que sont parties en fumée des tonnes de papiers, peut-être des tonnes de documents compromettants ou simplement importants pour les riches ! Et croyez-le si vous voulez : les petits papiers brûlés ont été portés par le vent jusqu’à Saint-Cyr. Il y a des gens qui en ont gardé, à l’époque, et qui vous juraient qu’ils étaient tombés du ciel, après avoir volé depuis Paris, très exactement le 24 mai 1871. Le phénomène est attesté aussi dans d'autres villages de la région (en tout cas, à Saint-Germain-en-Laye, « une avalanche de papiers brûlés s’abat aux pieds des curieux accourus sur la terrasse du château ; ce sont des débris de coupons de rente, des obligations, des pièces du ministère des finances, de la cour des comptes, du conseil d’Etat », in François Boulet, Leçon d’histoire de France, Saint-Germain en Laye, Les presses franciliennes, 2006). C’était le dernier jour de la Commune, Paris était en flammes, même l’Hôtel de Ville brûlait.

Mais le paradis terrestre, ce n’était pas encore pour demain. Des incendies se déclaraient régulièrement. Un homme était mort dans l’incendie de sa maison , en voulant sauver son cheval, en 1793. Et la nature déborde d’imagination, pour les calamités entre autres : en 1836, Monsieur Bouillette est mort foudroyé, alors qu’il allait voir ses ouvriers agricoles, lorsque l’orage a éclaté. En 1846, le 14 octobre, c’est un vrai cyclone, qui arrache les toitures et les arbres fruitiers, au lieu-dit Les Six-Arpents, en un instant.

 

9.

 

Les maires ont remplacé les seigneurs, et bien souvent ce sont ceux qui ont acquis les domaines et les châteaux des nobles. Ainsi la dynastie des seigneurs de Sailly s’est éteinte en 1769, et le château a été vendu en 1771. Il est détruit pendant la Révolution, puis reconstruit. Les comtes Hay de Slade, qui l’ont racheté en 1808, n’ont pas réussi à le garder longtemps. (Voir http://hpvexin.free.fr/content/histoire-et-patrimoine/secteur/magny//commune/st-cyr-en-arthies/docs/St-Cyr-Notice%20Chateau.pdf) Il est finalement acheté par Monsieur Paul Firmin-Didot en 1852, qui l’agrandit et l’embellit, et c’est son fils qui sera maire pendant 48 ans. Ah les Firmin-Didot, quelle dynastie !

 

Paul dépose dans l’annexe sa bibliothèque personnelle, un trésor unique (hélas dispersé plus tard, par l’inculture d’une huissière). En effet, il est l’héritier d’une vieille famille d’imprimeurs ; son père Firmin était un révolutionnaire, comme la plupart des artisans piaffant d’impatience avec tout le Tiers-Etat pour devenir membre influent du pays. Il a été l’imprimeur officiel de l’Institut, sous Napoléon, et achète l'ancien Hôtel d'York, 24 Rue Jacob, à Paris, en 1810. Comme tous les typographes, c’est un conservatoire vivant de l’orthographe française, un spécialiste de toutes les subtilités de la grammaire, et il est extrêmement cultivé. Il s’est fait un immense plaisir en publiant sa propre traduction en vers de ses auteurs préférés : Virgile l’inégalable, Théocrite le délicat, Bion, Moschus. Le grand-père, François-Ambroise, fondeur, graveur, imprimeur de génie, avait été l’inventeur du « point Didot », l’unité de mesure des caractères d’imprimerie que nous retrouvons tous les jours sur nos logiciels de traitement de texte, et la création de cet outil standardisé a été une révolution dans le métier.

Le fils de Paul, Georges, a le titre de premier ouvrier de France. Comme imprimeur, il reprend en 1888 la firme créée par Sébastien Bottin, et publie désormais sous l’appellation Didot-Bottin le célèbre annuaire « du commerce et de l’industrie », qui sera bientôt celui du téléphone. Saint-Cyr n’est pas le seul village où il a laissé une forte trace dans la toponymie, avec la place qui porte son nom, qui est la porte d’entrée du village, juste avant l’allée du château : à Livry- Gargan en Seine Saint-Denis, où il avait son imprimerie, il a une avenue, à Libourne, une rue. Georges Firmin-Didot règne sur Saint-Cyr, dont il est le maire, de 1885 à 1933. C’est lui qui fait dessiner le parc par Barillet-Deschamps, sur 67 ha. (voir http://www.la-bucherie.com/fr/histoire.htm (dossier sur le château et son parc, par Hubert Joly)

 Cet ingénieur paysagiste est le même qui a dessiné le bois de Boulogne, le bois de Vincennes, le parc Montsouris, et entrepris le parc des Buttes Chaumont. Le cinéaste Zefirelli y a tourné La Dame aux Camélias, et consacré dans quelques images le platane monumental, déployé comme un air d’opéra, qui y trône encore.

 

10.

 

Les étrangers ont toujours aimé s'implanter à Saint-Cyr. Beaucoup de Polonais se sont installés dans la région au moment de la guerre, comme le grand-père Szado, qui avait racheté la ferme de la famille Luce. Il était arrivé avec les Allemands, pendant la guerre, puis avait choisi de rester en France.

La Russie aussi a donné à Saint-Cyr un personnage, Elizabeth Maupoil, née Nalecz-Korzeniowska à Moguilev en 1914, acheta le château en 1952, et y vécut jusqu'à sa mort en 1994. Son secrétaire, Iriex de Prévost, de la noblesse du Périgord, a lui-même épousé une artiste peintre belge, Marie Hénon. Nous leur devons la chronique orale des hauts faits de la « Comtesse », une personnalité à qui, les soirs d’hiver où elle se réchauffait à la vodka, il arrivait de faire entrer son cheval préféré dans le salon, et qui lors de la mort tragique du président Kennedy, adressa à la Maison Blanche un télégramme de condoléances de la part de tout le village.

Madame Maupoil, avec ses deux restaurants "La Bûcherie", l'une en face de la ferme, à Saint-Cyr, l'autre à Paris, s'entourait d'artistes révolutionnaires. Et Saint-Cyr a failli avoir des vitraux du plus rayonnant de toute cette bande, débordant de foi en l’humanité et en l’imagination créatrice, Jean Lurçat : on retrouve dans les délibérations du conseil municipal la trace des débats, en 1963, après que Mme Maupoil eut convaincu l’artiste de concevoir des vitraux pour notre église. Le conseil, prudent, représentant la sensibilité des fermiers, qui sont la base économique du village, autrement plus stable que ses artistes fantasques, n’était pas chaud du tout pour ce qui lui semblait aussi choquant que du Picasso. Et Lurçat est mort brutalement en janvier 1966, sans avoir commencé le projet.

L'Espagne est représentée par celle qui fut très longtemps gardienne du château, Victoria (voir http://www.le-blog-de-dan-jubert-bizien.info/categorie-10916166.html).

Puis nous avons eu le Canadien Louis Riopelle, qui a installé son atelier à côté du Vieux Couvent, et sa collection de voitures anciennes. il a fait les honneurs de Saint-Cyr à bien des Américains de passage. Dans le domaine du cinéma, nous avons eu l’acteur Michel Modo, qui joue dans "Le Gendarme de Saint-Tropez", et qui a fait une bonne partie des doublages des « Simpson », avant de mourir en 2008. D’ailleurs ce n’est pas fini, les artistes en herbe, les maîtresses d’école nous font admirer leurs travaux tous les ans! Ils ont fait les mosaïques qui décorent la mairie.

A propos de maîtres d’école récents, souvenons-nous de Mme Musseau, de M. Clément, qui a permis d’agrandir l’école, de Mme Després, qui a obtenu l’ouverture de la cantine, et publié la brochure Si Saint-Cyr m'était conté, rédigée avec le concours des enfants. Il y a eu aussi des curés remarquables, à Saint-Cyr. Ne serait-ce que par leurs potagers, car les jardins des presbytères sont réputés pour donner des fruits et légumes énormes, parce que la terre y est bien fumée, étant généralement celle des anciens cimetières… Seules les personnalités pouvaient être enterrées dans l’église même, les autres, c’était tout autour. Nous avons eu des curés riches de l’expérience de pays différents, un curé hollandais, un curé irlandais, un autre polonais, un Béninois (le père Hervé, mort de maladie au Bénin, en 2011, paix à son âme)… Les anciens se souviennent de l’abbé Boyer, si dynamique avec les jeunes, puis du père Boumans, qui organisait des kermesses fameuses, tous les ans, au profit de la paroisse.

 

11.

 

Et les Saint-Cyriens ordinaires, alors ? Ils sont souvent extraordinaires, les gens simples, même si, avant internet, leur souvenir ne survivait pas longtemps. Nous connaissons Victoria, gardienne du château pendant des années, par les souvenirs de son petit-neveu, qui les a téléchargés sur www.le-blog-de-dan-jubert-bizien.info/article-31355519.html. Et les garde-chasse, et toutes ces générations qui ont travaillé pour le château… A la place du restaurant La Bûcherie, il y avait d’abord eu un café qui faisait épicerie; plus haut dans la rue du Parc, un bureau du téléphone ; un menuisier, des maçons, des bergers, et d'autres métiers encore. Nous reconnaissons bien des grands-parents cultivateurs par les photos de classe. M. Philippe est l'un d'entre eux, et il raconte hardiment que le climat était tendu, dans le village, parce que, encore dans les années 1950, les villageois baissaient la tête sur le passage des châtelains. Aux riches en général, il fallait "donner du Monseigneur", parce que la République, "ils connaissaient pas". Et il y a des silhouettes, sur les vieilles cartes postales, qui donnent l’échelle, et qui donnent l’impression d’incarner à elles seules toute la volonté d’être du village, avec une sorte de justesse dans le rendu de son âme, pensée par le photographe contemplatif. Monsieur Philippe

Un épisode qu’on aimerait romancer : La « dame du château » a appris à « panser toutes les plaies » à un jeune homme de Villers-en-Arthies, Christophe Ozanne. Elle a dû être éblouie par ce garçon, et il avait dû entendre parler de ses talents à elle, pour être venu apprendre de si loin. C'est après cela qu'il est devenu un guérisseur hors pair, réputé jusqu'à Paris, et sans rien perdre de sa modestie, à Chaudray, tout simplement. On est en 1696, c’est l’époque de Molière, où on n’aime guère les docteurs, et généralement on les raille férocement. Le prodigieux, le généreux rebouteux qu'on s'arrachait ne savait même pas lire…

 

12.

 

Et puis notre village s’est distingué par ses guerriers. Au lieu-dit La Marmette, il y avait des tombes creusées dans le roc, renfermant des squelettes et une poignée d’épée. Ainsi donc, dans notre village qui ne s’appelait pas encore Saint-Cyr, il y avait déjà des guerriers qui mouraient là, au temps des rois mérovingiens… Peut-être qu’ils s’étaient battus avec Clovis, contre l’invasion des Huns, avec à leur tête Attila, le héros des Hongrois…

Ensuite, on se battra contre les Anglais, qui sont tentés pendant des siècles de s’installer en remontant la Seine, et contre lesquels on édifie le donjon de La Roche-Guyon, et les murailles de Mantes. Les Saint-Cyriens ont-il le tempérament belliqueux? Au moment de la Révolution, on s’engage dans la Garde Nationale, bataillon de La Roche-Guyon. 750 villageois s’y retrouvent, il devait bien y avoir des Saint-Cyriens parmi eux. Cette même Garde a salué le retour du corps de Napoléon, sur la Seine, à Vétheuil, en 1840. Puis elle participe à la répression de l’insurrection de juin 1848, à Paris.

Pendant la guerre de 1914-1918, ce sont sept enfants de Saint-Cyr qui tombent au champ d’honneur. Que nos enfants et les enfants de nos enfants ne les oublient jamais !

"En 1943, tout le secteur du bois du Chesnay, entre les communes de Vétheuil, Follainville, Fontenay-Saint-Père, Saint-Cyr, se trouve réquisitionné par la Luftwaffe. Depuis le début de la guerre, un chantier considérable emploie des centaines de personnes via l'Organisation Todt. Coupes dans le bois, arasement des zones de tirs et largage, construction d'un hangar à l'épreuve des bombes, de cibles en forme de bateaux, etc. Le site est entouré d'une dizaine de tours en forme de miradors permettant l'observation des tirs et lâchers de bombes d'exercice en béton. Un petit train Decauville permet l'acheminement des matériaux depuis Vaulézard jusqu'au cœur des bois. Durant les exercices, les accès sont barrés, des panneaux affichés, les municipalités prévenues. Le site où la nature a repris ses droits est encore jonché de cratères et de restes de bombes factices en béton". (in Bruno Renoult et James West, Visiteurs du Vexin 1940-1944, vol. 1, L'étrange histoire du Vexin sous l'Occupation, 2011, p. 105).

En 1944, Saint-Cyr a été un théâtre de guerre. Le général Hans Spiedel, chef d’état major du maréchal Rommel et installé au château de La Roche-Guyon, a peut-être occupé personnellement le château de Saint-Cyr (ayant conspiré contre Hitler, Hans Spiedel fut épargné lors du procès de Nuremberg, et eut des responsabilités dans le cadre de l’OTAN par la suite). Le général Patton avait pris Mantes, après des bombardements terribles. Il s’agissait pour lui de s’emparer de la rive droite, à partir de là. Les combats ont fait rage pendant cinq jours, le village a été pris et repris, entre le 22 et le 27 août 1944. L’église a été bombardée ; après les suppliques de Mme Firmin Didot au général Patton, les artilleurs ont allongé le tir ; mais les dégâts étaient là, comme sur plusieurs autres bâtiments du village (la ferme de Szado, le château, d'autres maisons de la Rue du Parc). Les corps de huit Allemands ont été enterrés sur place, et plus tard rapatriés, une fois la paix et la concorde revenues. Tout le monde a bien souffert, dans ces journées terribles ; les soldats allemands étaient très jeunes, et ils ne devaient pas avoir le moral… Fontenay Saint-Père, le bois de la Tilleuse, le bois du Chesnay où a été bâtie une grande arche en béton pour abriter les blindés, autant de bastions allemands, pour barrer la route aux Américains.

 

De Saint-Cyr, on contrôlait le passage sur Aincourt et Drocourt, qui à leur tour verrouillaient l’accès à la RN 14, c’est-à-dire à Pontoise, à Beauvais, à Paris. On est sur la « Black Phase Line » la première ligne d’attaque américaine. Les habitants sont évacués, ils se réfugient dans la carrière, Mme Didot encadre les femmes et les enfants. Le régiment 35 de la Luftwaffe investit le village, et la maison au carrefour de l’allée des Tilleuls lui sert de P.C. Les événements sont photographiés par le reporter Kruth. Le chef du Deuxième bataillon était le Hauptmann Gohl. L’Overst Schmidt, commandant du régiment 35, vient à Saint-Cyr le 24. Les soldats allemands sont retranchés derrière le mur du château, percé de meurtrières. "Le 27 août, c'est la contre offensive: Les Américains, ayant reçu le renfort de 30ème division et de la 2ème blindée, ont concentré des véhicules et des blindés en arrière des lignes de la tête de pont. L'attaque est menée par le Deuxième Bataillon du colonel Gooding surnommé Mad Sam. 12 chars américains rugissent, mais 2 Panzers contre-attaquent depuis les Ravenelles, avec les « Tigres ». Les Américains ont la division « Hell on wheels », l’enfer sur roues. A 16h, le front s'embrase: 500 canons ouvrent le feu sur les lignes allemandes. La Tilleuse, qui a résisté toute la journée, est enfin emportée en soirée. Les Allemands repoussent l'attaque sur Saint-Cyr. Depuis Vaulézard, les Américains descendent sur Vétheuil et les Millonets, où ils sont stoppés par la résistance allemande. Les unités allemandes de la route Fontenay-Drocourt se replient sur Drocourt. Le lundi 28, devant la résistance allemande à Saint-Cyr, 13 chars américains bombardent le village de 600 coups de 75. Le village tombe à 14h. La compagnie M du capitaine William Mc Collum finit de chasser les Allemands de Saint-Cyr." (La tête de pont de Mantes, par Bruno Renoult, circuit conférence 11 septembre 2003).

Au final, il y a eu jusqu’à 2000 hommes dans les bois du Chesnay ; et plus de 100 tués dans cette terrible bataille du Vexin, dont 10 Américains ; il y a 30 prisonniers allemands, et 116 sinistrés parmi les civils. A la ferme Didot, Louise Kolkovski, jeune réfugiée de la région parisienne, sort de la cave et trouve un soldat allemand ainsi que le jeune réfugié Claude Ménauteau déchiquetés par les éclats d’une explosion. Citons, parmi les gradés allemands tués, l’Unteroffizier Eugen Wolfgarte, l’Unterwebel Stockël, l’Oberjager Niels Oewerdiek, Walter Schönfelder, et le Gefreiter Josef Gruber.

Après la bataille, les civils sont réquisitionnés pour enterrer les morts. On fait exploser les obus qui restent dans les bois, dans les entonnoirs à bombes. Le bruit est infernal. Ensuite on comble les trous avec des carcasses, et des gravats. M. Cabot a eu la surprise de retrouver sa veste de pompier sur le dos d’un Allemand mort.

En matière de résistance, on entendit parler du lieutenant des FPT, M. de Francmesnil, le châtelain d’Arthies. Celui-ci traversa Saint-Cyr le 21 mai, à vélo, avec sa femme Henriette, pour aller de Wy à Mantes. Les gendarmes de Drocourt étaient bienveillants. Elle fut arrêtée par des soldats, mais ils la laissèrent passer sans la fouiller. Quant à lui, il voulut passer par le parc du château, mais heureusement Mme. Didot lui fit signe que les Allemands étaient là… Il appartenait au mouvement "Défense de la France" dont le journal devint à la Libération France-Soir.

La guerre a laissé des séquelles cruelles: le jeune Georges Fernand Cabot a été déchiqueté par une bombe, qui a explosé au passage de sa charrue, dans la zone minée, en allant sur Vétheuil, et il a été enterré le jour même de l’armistice. Plus tard, un jour, un enfant a rapporté à l’école une bombe qu’il avait trouvée, et on l’a remise aux gendarmes de Chaussy, sans incident.… En mars 2000, on a encore découvert une grosse réserve d’étuis d’obus à Follainville.

 

13.

 

Après la guerre de 1940, l'église fut simplement mise hors d'eau, étayée, et les vitraux détruits furent remplacés par les baies de verre cathédrale actuels. En 1957 le maire M. Duchemin demanda un devis pour la restauration de l'église : 15 millions d'anciens francs. L’église fut longtemps fermée, on allait à la messe à Drocourt, un temps même à la ferme du château. C'est en 1966 seulement que furent votées la réfection des voûtes, des arceaux du chœur, du clocher qui menaçait de s'écrouler, et la mise en place d'une porte pour la sacristie et pour le clocher.

Les travaux se terminèrent en 1969. Entre temps, l'architecte Vial, de Mantes, choisi par la commune, dut se bagarrer inlassablement contre celui des Bâtiments de France, M. Delaunay. Le dernier épisode concerna les boiseries intérieures, que le maire M. Richomme, bien soutenu par le conseil municipal, fit refaire malgré l'opposition de M. Delaunay.

Une commission de l'église avait été nommée en 1951 ; elle se composait de Mme de Prévost, M. Barrois et M. Cabot, chargé de l'entretien. M. Delaunay n'avait d'ailleurs pas entièrement tort quand il insistait pour donner la priorité à la restauration du vitrail ancien, montrant le martyre de sainte Julitte et de saint Cyr, ce qui n'aurait coûté, à l'époque, que 3 200 Nouveaux Francs...

Les entreprises qui apportèrent leur savoir-faire furent Crinquette (charpente), et De Touraine pour la pierre, le béton, les voûtes. Cela a tenu, et nous continuons à la faire tenir, vivre et embellir, notre église, parce qu’un village vit à condition qu’il s’attache comme à ses vraies racines aux lieux de l’esprit. Rendons aussi hommage aux maires, M. Richomme puis M. Barrois (maire pendant 37 ans), véritables résistants face aux assauts du temps, de la modernité, des caprices et des ambitions, des uns ou des autres !

 

Pour nous, l'église du village est comme le plus vénérable de nos grands arbres, elle donne l'harmonie, le sens et la continuité à tout ce qui l'entoure ; mais les églises sont aussi fragiles que le reste, ou peut-être plus encore. L'église de Saint-Cyr tombait déjà en ruines au XVIIème siècle, et il fallut à nouveau la restaurer au XVIIIème ... D'après Jeanine Szado (†), un  gars un peu dérangé, qui arpentait le pays par tous les temps, abordait jadis les passants en chantant :

Gens qui venez à Saint Cyr

Enfriboutis, cœurcés,

Tout arcansés, débigochés[1],

Dites seulement une prière,

Et vous verrez

vos chagrins radoucir…

 

Cela reste valable aujourd'hui, rendons grâce à saint Cyr qui fait toujours autant de miracles.




[1] « Enfriboutis, cœurcés, arcansés, débigochés’ : patois mantais pour “engourdis par le froid, le cœur endurci, fatigués, découragés »